Retour sur le Congrès ECE 2021 : Session jointe ESE/EndoERN sur les maladies rares endocriniennes, Améliorer le diagnostic, la prise en charge et la sensibilisation en renforçant la collaboration des patients et des médecins

Auteur : Laura Bousset, chargée de mission scientifique FIRENDO

La session jointe de l’ESE et de l’Endo-ERN (réseau européen de référence pour les maladies rares endocriniennes) est l’occasion de faire le point sur les avancées réalisées par le réseau sur l’amélioration de la compréhension et de la prise en charge des maladies rares endocriniennes.

Endo-ERN : Renforcement de la collaboration entre les patients et les médecins


Le Pr Olaf Hiort de l’Université de Lübeck, Allemagne, est également le coordinateur adjoint de l’Endo-ERN. Il nous présente en introduction les principales missions de l’Endo-ERN, centrées sur le patient : le droit à une prise en charge des frais de santé en Europe, dans le public comme le privé et plus de transparence concernant les droits, les options de traitement et la qualité de la prise en charge des établissements de santé. Aussi, les ERN se focalisent sur la transparence et la diffusion de l’expertise pour permettre la meilleure prise en charge de chaque patient. Aujourd’hui, ce sont plus de 24 ERN regroupant 300 hôpitaux en Europe et plus de 900 centres experts. Concernant l’Endo-ERN, les sociétés européennes d’endocrinologie (ESE) et d’endocrinologie pédiatrique (ESPE) sont parties prenantes du réseau, ainsi que 78 centres de santé répartis dans 26 pays et de nombreuses associations de patients.

L’Endo-ERN est divisé en 8 groupes thématiques (de pathologies) et 5 groupes de travail transversaux portés sur l’éducation et la formation, la e-santé et les techniques d’information et de communication, la recherche et la science, la qualité du soin et le point de vue du patient, diagnostic et analyses des laboratoires. L’Endo-ERN a pour vocation de proposer des comités d’experts multidisciplinaires avec une valeur ajoutée, de standardiser la prise en charge des patients atteints de maladies rares endocriniennes et d’encourager la recherche sur les maladies rares endocriniennes. Pour cela, l’Endo-ERN propose des consultations virtuelles pour les cas cliniques complexes, dispose de registres de patients (EURRECa), participe à la promotion de la recherche et de l’innovation, à l’harmonisation de la prise en charge, à l’information et la formation sur les maladies rares endocriniennes.

Vivre avec un syndrome d'insensibilité aux androgènes & Équipes de soins multidisciplinaires et de recherche


Le Pr Martine Cools, de l’Université de Gand (Belgique) présenta les récentes avancées dans la prise en charge des syndromes d’insensibilité aux androgènes complets et partiels. Ce syndrome, lié à un défaut de fonction du récepteur aux androgènes, induit un défaut de masculinisation plus ou moins marqué, associé à une infertilité, chez une personne de caryotype 46, XY. L’écoute de la parole des patients est primordiale pour faire connaitre cette pathologie et lever le tabou qui l’entoure. A travers son témoignage, une patiente atteinte d’un syndrome d’insensibilité complet aux androgènes insiste sur le manque d’informations délivrées aux patients sur leur pathologie, leur corps et leur fertilité. A l’âge adulte, les questions autour de la sexualité et de la fertilité peuvent marquer un décalage et une incompréhension avec les proches. Ces patients ont besoin, tout comme leur entourage, d’un soutien adapté, de conseils et d’éducation à propos de leur condition. Le soutien aux patients passe également par la transparence et la relation de confiance entretenue avec leur médecin, la volonté de transmettre une information éclairée sur toutes les options de traitement, de façon à pouvoir partager la décision. De plus, les patients insistent sur les bienfaits de participer à des journées de rencontre et de partage entre patients.

Concernant la prise en charge des patients, une étude menée en 2018, principalement en Europe a mis en lumière un manque de prise en charge standardisé des gonades des patients entre les 22 centres étudiés, répartis dans 16 pays1. Si la prise en charge des syndromes d’insensibilité aux androgènes a considérablement évoluée ces 20 dernières années, les auteurs insistent sur l’importance de la mise à jour des recommandations, basée sur des preuves scientifiques. De plus, comme pour les autres pathologies du développement sexuel, une transparence totale, un soutien psychosocial adapté et la mise en contact des patients et de leur proches entre eux sont associés à de meilleurs résultats et à un meilleur vécu, et devront donc être placés au cœur des soins multidisciplinaires.

Anomalies de l'empreinte parentale et de la croissance à l’Endo-ERN – prochaines étapes et collaboration avec l’ESE


Le Pr Irène Netchine, Hôpital Armand Trousseau, AP-HP, à Paris, coordonne le groupe thématique sur les syndromes de la croissance et des obésités génétiques de l’Endo-ERN avec le Pr Gudmundur Johansson, de l’Université de Göteborg (Suède). Plusieurs de ces syndromes sont associés à des anomalies de l’empreinte parentale. En effet, certains de nos gènes présentent une expression monoallélique c’est-à-dire que seule la copie venant de notre père ou de notre mère s’exprime ; ce phénomène est lié à des modifications épigénétiques. Ces gènes sont essentiellement impliqués dans le développement du fœtus et des membranes fœtales. Un défaut de l’empreinte parentale peut ainsi conduire à un défaut de « dosage » de gènes qui va affecter la croissance, le métabolisme, la puberté et le comportement de l’individu atteint. Parmi ces syndromes, on retrouve certaines formes de diabète néonatal transitoire, ou de puberté précoce centrale familiale, le syndrome de Silver-Russell, le syndrome de Beckwith-Wiedemann, le syndrome de Temple, le syndrome Kagami, le syndrome d’Angelman, le syndrome de Prader-Willi.

Les causes moléculaires du syndrome de Silver-Russell connues à ce jour sont principalement liées à des anomalies du chromosome 11p15, portant les gènes CDKN1C et IGF2, un gène important pour la régulation de la croissance et du métabolisme. Les anomalies de l’expression de ces gènes sont principalement d’origine épigénétique, dues à une perte de méthylation du locus paternel. Des mutations des gènes HMGA et PLAG2 ont plus récemment été décrites, et ont également pour conséquence une diminution de l’expression de IGF2. Le syndrome de Temple présente des caractéristiques proches du syndrome de Silver-Russell. Ce syndrome est également lié à des anomalies de l’empreinte parentale, au niveau du chromosome 14q32, et concernant les gènes DLK1 et MEG3. De façon intéressante, les anomalies du chromosome 14q32 sont également retrouvées chez des patients atteints du syndrome de Silver-Russell. Les auteurs ont démontré que ces anomalies conduisent également à une diminution de l’expression de IGF2, expliquant le tableau clinique similaire retrouvée chez les patients atteints des syndromes de Silver-Russell et de Temple3.

Les pathologies liées à l’empreinte parentale présentent des anomalies moléculaires et des caractéristiques communes. En effet, les gènes soumis à l’empreinte parentale forment un réseau de gènes, dont la dérégulation d’un seul peut affecter l’ensemble du réseau. Aussi, le rôle commun des gènes soumis à l’empreinte dans la régulation de la croissance, du métabolisme et de la puberté permet d’expliquer des phénotypes similaires entre les différentes pathologies. A l’avenir, l’amélioration de la compréhension moléculaire et de la prise en charge des pathologies liées à l’empreinte parentale pourra être améliorée par la mise en place de registres européens de patients et de biobanques, ainsi que par la promotion de recommandations émises notamment avec l’appui de l’Endo-ERN.

Références :

  1. Tack L. et al, Horm Res Paed 2018
  2. Wakeling E. et al, Nat Rev Endo 2016
  3. Abi Habib et al, Science Advances 2019