Retour sur le Congrès ECE 2021 : Thyroïde, régénération, thermorégulation et corticoïdes : en direct des laboratoires

Auteur : Dr Simon Travers Allard, Laboratoire de Physiologie HEGP APHP

Le congrès virtuel 2021 de la European Society for Endocrinology a permis aux chercheurs de partager leurs travaux. Ainsi, au cours d’une session axée sur le système thyroïdien, ont été abordés la régénération cardiaque, la régulation thermique et les liens entre stéroïdes et hormones thyroïdiennes.

Guo Huang (Etats-Unis) et son équipe s’intéressent à la régénération du muscle cardiaque. Cette capacité, retrouvée chez certaines espèces (salamandre, zebrafish) est perdue chez les mammifères. En inactivant le récepteur aux hormones thyroïdiennes (HT) chez des souris, l’équipe du Dr. Huang montre qu’il est possible de restaurer une capacité régénérative cardiaque et de retrouver un mois après lésion du muscle une fonction normale1. Les HT sont donc liées à la capacité régénératrice cardiaque. Dans l’évolution, les concentrations en HT augmentent chez les différentes espèces, à mesure que les animaux deviennent des organismes à sang chaud. Il semble donc que l’apparition des espèces à sang chaud, grâce à l’élévation des HT, s’est accompagnée de la perte du potentiel de régénération des tissus. Il reste à présent à déterminer quels mécanismes précis sont à l’origine de cette relation inverse entre HT et régénération cardiaque.


Jens Mittag (Allemagne) travaille sur les interactions qui existent dans le cerveau entre les HT et les systèmes de régulation de la température corporelle. Pour cela, son équipe étudie chez la souris deux conditions cliniques opposées : l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie. Chez la souris présentant une hypothyroïdie, une perte de chaleur au niveau de la queue entraine une diminution de la température corporelle2. Le tissu adipeux brun, siège de la thermogénèse, compense en augmentant son activité métabolique. Cela correspond à l’intolérance au froid et à l’hypothermie observées en clinique chez l’Humain. À l’opposé, chez la souris hyperthyroïdienne, les HT en excès élèvent directement la valeur de référence de température corporelle pour le cerveau (comme dans la fièvre)2.  L’activité métabolique musculaire augmente pour atteindre cette nouvelle référence et peut la dépasser. Cela correspond à l’intolérance à la chaleur et à l’hyperthermie observées en clinique chez l’Humain.


Erika Harno (Royaume-Uni), enfin, étudie les effets d’un excès de glucocorticoïdes (comme le cortisol, une hormone du stress) sur la régulation de la prise alimentaire et de la dépense énergétique par le cerveau, et plus particulièrement comment ces hormones interagissent avec les HT. L’hypothèse du Dr Harno et son équipe est qu’un excès de glucocorticoïdes (lors d’un traitement médicamenteux ou dans certaines maladies) entraine une augmentation de la forme active des HT dans le cerveau, régulant ainsi certaines fonctions3. Si les premiers résultats de leurs travaux ne montrent pas de lien clair entre les hormones glucocorticoïdes et les HT dans le cerveau, d’autres expériences sont encore en cours et devraient, sous peu, nous permettre d’en savoir plus sur le rôle de ce dialogue entre systèmes endocriniens dans la balance énergétique.

Références :

  1. Hirose et al. 2019 Science
  2. Johann et al. 2019 Cell Reports
  3. Wray et al. 2019 Mol Met