Retour sur le congrès (RE)ACT à Barcelone en mars 2016 : la recherche médicale et collaboration au service des maladies rares

La troisième édition du congrès RE(ACT) (International Congress on Research of Rare and Orphan Diseases) a eu lieu du 9 au 12 mars 2016 à Barcelone. Cet événement a rassemblé plus de 200 participants de profils variés : chercheurs, médecins, associations, patients, sponsors, et d'autres acteurs internationaux venus du monde entier pour écouter des intervenants de renom, tels que Christopher Austin, Yann Le Cam, Alex MacKenzie, Gert Matthijs, Danilo Tagle.

Lancée par par la Fondation Blackswan en 2012, l'édition 2016 du congrès RE(ACT) a été organisée  en collaboration avec E-RARE. La filière FIRENDO y a été présente, grâce à l'implication de plusieurs centres de référence et unités de recherche participant aux projets financés par E-RARE.

Lors de la session d'ouverture, M. Christopher Austin directeur du centre NCATS (National Center for Advancing Translational Sciences) a présenté le modèle américain mis en place pour accélérer la transposition des découvertes en matière de recherche fondamentale à l'application clinique. La mission du NCATS est de catalyser la génération des méthodes et technologies innovantes qui permettront d'améliorer le développement, l'évaluation et l'intégration des modalités diagnostiques et thérapeutiques pour une multitude de pathologies, y compris les maladies rares.

https://ncats.nih.gov/

Plusieurs thématiques ont été abordées lors des 6 sessions du congrès RE(ACT) :

  • Le repositionnement des médicaments et la médecine personnalisée: la médecine personnalisée devrait bénéficier au patient et non à la maladie, en ciblant le bon médicament au bon patient et au bon moment. Ainsi, plusieurs chercheurs ont souligné la nécessité de changer le regard sur la cible thérapeutique. Selon eux, il n'est pas toujours nécessaire de se concentrer sur la mutation elle-même d'un gène, mais plutôt sur l'effet qu'exerce la protéine altérée au niveau du réseau cellulaire (comme dans le cas de la protéine CFTR,  qui n'est pas uniquement un canal ionique, mais une plate-forme d'amarrage de plusieurs autres protéines - un "hub" et qui est à l'origine de la mucovicidose).
    C'est donc dans cet objectif que plusieurs médicaments existant déjà sur le marché pour d'autres indications ont été testés dans le cadre d'un repositionnement :
    > losartan (qui bloque la sécrétion du TGF alpha et qui est utilisé contre l'hypertension) dans le cadre de l'épidemiosa bulosis (l'épidermolyse bulleuse dystrophique),

    > ataluren PTC (qui permet de faire une translecture du codon STOP, permettant ainsi la production d'une protéine fonctionnelle et non mutée) déjà utilisé dans les essais sur la myopathie de Duchenne, s'avère aussi intéressante pour la maladie d'Usher.
    > l'éphédrine (déjà utilisée dans l'asthme) a été utilisée dans les essais cliniques individuels types n-of-1 pour le traitement de la myasthénie auto-immune.

    • Le séquençage à haut débit et les maladies rares sans diagnostic : les intervenants ont souligné à plusieurs reprises qu'avec le séquençage haut-débit qui annonce l'arrivée de la médecine personnalisée, "chaque maladie risque de devenir une maladie rare". Deux approches ont été parallèlement discutées :
      > le séquençage nouvelle génération (Next Generation Sequencing, NGS) notamment dans le cadre de la découverte de mutations de novo dans la lignée germinale, impliquées dans les formes modérées à sévères de la déficience intellectuelle  (par M Joris Veltman, professeur de la génomique translationnelle aux Pays-Bas),
      > Le Mendéliome,  séquençage à haut débit à bas coût et en multiplexe sur un panel exhaustif de gènes. Ce panel est enrichi pour les gènes dont les modalités d'hérédité mendélienne ont été démontrées pour un certain nombre de pathologies. Cette technique est testée sur des populations avec des maladies non diagnostiquées mais suspectées d'être d'origine génétique. L'application du mendéliome dans le dépistage pré-natal en Arabie Saoudite a déjà fait ses premières preuves (intervention de Mme Corina Shtir, directeur de la médecine translationnelle chez Thermo Fisher Scientific). Un mendéliome pour les maladies génétiques endocriniennes a été également testé.
    • Physiopathologie : lors de cette session, l'intérêt d'étudier les mécanismes physiopathologiques des maladies rares a pris toute son importance dans la compréhension des maladies plus fréquentes.
      > L'exemple à l'appui concerne la meilleure compréhension de l'obésité à travers les études des mécanismes moléculaires des ciliopathies sensorielles comme le syndrome de Bardet-Biedl (par le Pr Hélène Dolfus, animatrice de la filière maladies rares SENSGENE),
      > D'autre exemple concernant la ressemblance phénotypique entre les modèles murins ERCC1 delta/- et les symptômes du vieillissement et de la maladie d'Alzheimer. En effet, la protéine ERCC1 est impliquée dans les trois différentes voies de réparation de l'ADN. Un défaut de fabrication de cette protéine est lié à certaines maladies rares comme le syndrome de Cockayne et de  trychothiodystrophie (par M. Jan Hoeijmakers, Pays-Bas).
    • Du traitement à  l'application clinique : lors de cette session, M. Danilo Tangle, le directeur operationnel du centre NCATS (voir plus haut), a présenté une technologie innovante " le tissu-sur-puce ", combinant une puce  microfluidique et la culture de cellules vivantes pour mimer la complexité des organes humains. Plusieurs organes comme le foie, le cerveau, le muscle squelettique, le muscle cardiaque, les vaisseaux sanguins ... ont déjà été ainsi fabriqués ou sont en cours de développement. A la clé, la mise au point de nouveaux médicaments. La technologie tissu-sur-puce présente une alternative aux modèles animaux pour les tests de toxicité et d'efficacité des molécules candidates au développement clinique.
    https://ncats.nih.gov/tissuechip
  • Les patients et la recherche :

    > Mme Heather Etchevers, chercheuse INSERM à Marseille, a présenté son expérience et les astuces d'une levée de fonds pour un projet de recherche sur les maladies rares à travers le financement participatif sur la plate-forme en ligne RE(ACT) Community (voir plus loin).

    http://react-community.org/

    > Mme Conny van Ravenswaaij-Arts, chercheuse aux Pays-Bas a montré les résultats de son étude sur une abération choromosomique en recrutant les patients à travers un groupe Facebook.
    > M. Jan Geissler, le représentant des patients dans le Forum Européen des Patients, a signalé que 80% des essais en phase 2 et 3 du développement d'un médicament sont annulés à cause du pauvre recrutement des patients.  Pour leur donner envie de s'y impliquer davantage et comprendre toutes les étapes du processus, il a mobilisé différents  acteurs pour mettre en place l'Académie Européenne du Patient (EUPATI, European Patients Academy on Therapeutic Innovation).  Ce projet, déjà en ligne en plusieurs langues, est financé par les IMI (Innovative Medicines Initiative). EUPATI rassemble le matériel d'éducation et les modules de formation à destination des représentants des patients et du grand public sur le processus de développement des médicaments.

    https://www.eupati.eu/fr/


Les organisateurs du congrès ont profité pour annoncer la refonte de la plate-forme en ligne RE(ACT) Community, lancée en 2014 par la Fondation Blackswan en partenariat avec les acteurs comme Eurordis et E-Rare. Cette plate-forme a pour but de structurer un réseau international afin de soutenir la recherche sur les maladies rares, permettant aux chercheurs d'initier des nouvelles collaborations et lever les fonds grâce au financement participatif ("crowdfunding") de leurs projets de recherche sur les maladies rares.

Lors du congrès également, les annonces sur les nouveaux appels à projets H2020 concernant les maladies rares (ici et ici) ont été signalées.

Visitez le site du congrès RE(ACT) 2016 pour découvrir le programme, les intervenants et les photos.

La Fondation BLACKSWAN est une fondation suisse pour le soutien de la recherche sur les maladies rares et orphelines. Sa mission principale est de récolter des soutiens financiers qui seront entièrement reversés à des projets de recherche sur les maladies rares et orphelines après évaluation par un comité scientifique international. Une autre mission de la Fondation est celle de promouvoir la connaissance de maladies rares et orphelines auprès du public.

Le projet quadriennal E-RARE-3 (2015-2019) fait partie du programme européen ERA-NET pour le financement de la recherche sur les maladies rares. En plus du lancement des appels à projet de recherche sur les maladies rares dotés d'une dimension européenne, E-RARE propose une plate-forme en ligne de soumission de propositions de projets à vocation transnationale.